Echo à l’article "Le mouvement coopératif Kithuadi au diocèse de Boma"

Publié le par André LELO di Mbumba

Echo à l’article "Le mouvement coopératif Kithuadi au diocèse de Boma"

A l’abbé CEMBO : tous nos encouragements pour vos réflexions, projets et actions en faveur de la situation socio-économique de la région en général et du Mayombe ou du diocèse en particulier !

J’espère que cette petite contribution de relecture vous motivera davantage. Bonne continuation !

Le district du Bas-Fleuve : un ancien territoire pilote de la RDC [1]

Jusqu’aux années 80, le district du Bas-Fleuve abritait à lui seul, une vingtaine de sociétés de production agro-pastorale et d’exploitation forestière. Aujourd’hui, toutes sont en faillite, sinon au ralenti ou tout simplement disparues. Beaucoup d’observateurs et des nostalgiques du « temps flamand, portugais, de Pères missionnaires … » en voudront à mort aux gestionnaires de ces sociétés notamment pendant la 2e République (1965-1997). Mais leur critique s’atténue et se relativise quand ils constatent, dès les années 80, la chute, au niveau international, du coût de leurs produits comme l’huile de palme, le café, la banane, le caoutchouc …

Jusqu’alors, la vie de la population dans cette région était soutenue à 90 % par un système d’entreprises et industriel soit étatique ou para-étatique, soit des patrons-bienfaiteurs. A notre avis, c’était là le début sinon l’enracinement d’un « paternalisme bienfaiteur ». On se serait retrouvé à l’époque européenne des seigneurs et des serfs. Il n’y eut pas malheureusement, du moins pour le cas de la RDC, de « Siècle des Lumières », ni de (vraie) révolution, ni de (vraie) transition, ni d’équivalent ! Pourquoi d’ailleurs y aurait-on pris le même schéma ? Il y eut plutôt un vide qui occasionna une sorte de chute libre pour tout le pays ! On est bien tombé au rez-de-chaussée (rdc), voire en dessous !

Le patron-bienfaiteur, face à la période de crise, se sauva malignement, ou fut brutalement mis de côté par les nouveaux gouvernants nationaux ; l’ouvrier, lui, resta, pris dans un désarroi socio-économique d’où il rêve de sortir depuis ce temps-là. Il se refugia d’abord dans l’informel et la débrouillardise. Il garda une sorte de relation hypocrite ou plutôt implicite avec ses anciens patrons, leur famille ou leur système. On aura longtemps parlé de secours, de bienfaisance, d’aide, d’assistance … de la part de « nos pères et oncles belges ou européens rentrés en Europe mais toujours en lien salutaire avec nous » !

Au-delà de cette bienfaisance, l’africain en général, le (bas-) congolais en particulier, aurait dû se méfier à temps, des méthodes trop savantes et trop extérieures, des fois inadaptées et considérées comme venues des laboratoires étrangers, souvent trop loin de ses réalités, de son contexte et de ses vrais besoins. Depuis les années 70-80, le pays s’enlise dans une crise sociale et économique inouïe. A partir de l’informel et de la débrouille, le congolais-zaïrois entame un lent et pénible processus de ce que nous appelons « des initiatives locales de survie ».

 

La RD Congo, un pays au contraste marquant !  [2]

Naturellement riche mais de population majoritairement pauvre. Le paradoxe ne s’arrête pas là ! Si à son indépendance en ’60, le pays avait très peu de diplômés, aujourd’hui on les compte par centaine : des brevetés du cycle professionnel aux diplômés et experts de différents domaines, des universités nationales et occidentales.

On espérait et espère encore beaucoup de ces nombreux diplômés face à la situation toujours préoccupante de ce grand pays, mais leur discours et leur action ne semblent pas à la hauteur de briser le carcan et de soulager la misère des populations. Certains habitants regrettent le temps colonial et celui des empires et royaumes ; ils voient en beaucoup de diplômés peu d’engagement, plutôt de l’hypocrisie et de la prostitution intellectuelle ; ils les voient intégrer, soutenir et servir les systèmes d’oppression et d’aliénation des peuples … Quelques courageux parmi eux voudraient faire mieux, mais ils sont malheureusement bloqués et absorbés par des systèmes qui frisent l’oppression et la dictature. Ce n’est peut-être pas encore le désespoir total, mais l’exode et la fuite s’accentuent. « Salus in fuga ! », disent tout bas les vaincus ; d’autres auraient voulu être des nouveaux Ghandi ou des quelconques héros. Le moindre vide de bons acteurs est vite comblé par des charlatans, des badauds, des gangs ou même des lobbies ... Des sceptiques parlent d’une mort, d’une aliénation possible d’un pays, d’une culture, d’un peuple, d’un continent ! Les optimistes, réconfortés par l’histoire, la religion, l’humanisme ..., espèrent encore et voudraient continuer de lutter, de subsister, de survivre, de (se) défendre : défendre des vies humaines, défendre une nation, une culture, un peuple.

André Lelo
18 février 2012


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Notes

[1] Extrait d’un travail d’André LELO DI MBUMBA, « Du paternalisme bienfaiteur au partenariat responsable », où il aborde la problématique d’Autonomisation et de Pérennisation des Projets en Coopération internationale et Développement local (cas de l’Afrique subsaharienne). Université Lille 1

[2] Ibidem.

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Commentaires

1 Message

Bien cher Abbé Lelo André, bonjour. Des réflexions qui décrivent la situation et le contexte réel dans lesquels nous nous trouvons. C’est vrai, la misère du Mayombe ne date pas d’hier mais de plusieurs années. D’aucuns avaient pensé voir le salut dans la succession des gouvernants ou d’évêques ; mais la réalité nous montre que au-delà du néocolonialisme qui est pire que le colonialisme lui-même, il y a un système mondial et local qu’il faut briser. Qui sera capable de le faire ? Il faut retourner aux temps des prophètes ? C’est vrai, le salut est dans la fuite. Cette expression m’intéresse personnellement. Car nous les prêtres qui sommes les agents d’espérance pour le peuple, nous nous réfugions dans la fuite en passant des années interminables dans les pays occidentaux où nous avons même pris des nationalités. Je ne suis pas en dehors de cette tentation après mes 9 ans en Europe. Seulement, la question légitime que chacun se pose est celle de savoir qui serait prêt à retourner vivre dans un environnement sans issu, comme disait un de nos vieux confrères : on ne voit pas le bout du tunnel ; peut-on s’engager ?
La réponse à toutes nos préoccupations est celle de la Foi et de l’Espérance. Africae Munus, "l’engagement de l’Afrique", est l’exhortation apostolique post-synodale qui pourra nous décider afin de nous reproposer "lumière du monde" et lumière de nos peuples afin de vivre comme ferment à coté de nos peuples et réfléchir à leur profit avec tous nos diplômes accumulés.
Donc, pour nous prêtres, le salut ne peut être dans la fuite, mais dans l’engagement aux côtés de nos peuples.
Que Dieu nous assiste.

Abbé André-Jacques Mambuene
20 février 2012


http://lien.prebo.free.fr/spip.php?article42

 

Publié dans Développement

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